Test - Final Fantasy 9

Publié le par Methos

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Les fêtes de noël ont toujours ce je-ne-sais-quoi d’émoustillant, nous avons beau reprocher le business alentour et l’origine religieuse en ces temps voués à la laïcité, il demeure ce sentiment irrésistible et bondissant. Serait-ce le froid qui nous rassemble autour de la cheminée, la neige sous le soleil calme de l’hiver, les retrouvailles annuelles entre cousins et cousines, les réveils matinaux où notre œil rougi par la fatigue découvre les nouvelles fortifications fluorescentes au pied du sapin ? C’est difficile à préciser, il s’agit simplement d’une poussée d’émotions, malgré les quelques tensions familiales et le déboursement douloureux du portefeuille. 

 

Parvenir à retranscrire ce genre d’effet indicible requiert de l'imagination, de la finesse, et de l'humilité. Cela exige la subtile mise en forme de sentiments au sein d’une narration, en admettant que chaque caractéristique de l’œuvre serve en définitive l’affectif sincère d’un auteur déterminé à mettre en avant tous les coloris de son émotion. Chaque événement, tournure de style, renversement de situation, confrontation entre les énergies suivent un même fil conducteur : exprimer toute la richesse et la profondeur d’une sensibilité en mal d’expression. 

 

Par son principe même de média voué au loisir, le jeu vidéo se trouve en bon dernier parmi tous les supports permettant l’explosion d’un affectif timide, hormis quelques entreprises expérimentales tel Journey, Dear Esther ou The Graveyard. Final Fantasy réalisa à son époque une petite révolution en quittant le style du j-rpg basé alors entièrement sur le skill à l’image des Dragon Quest pour développer un semblant d’histoire qui au fur et à mesure des épisodes pris en consistance et personnalité, l’intérêt grandissant porté au background permis dés Final Fantasy 4 de s’intéresser au jeu pour sa narration, précédant même l’importance du gameplay pour les plus rêveurs.  

 

Est-ce à dire que la série se voua entièrement aux mœurs des épopées enivrantes, reléguant la partie loisir au rôle de faire-valoir ? "Non", vous dirons les défenseurs de la licence, ce qui fait le génie d’un FF c’est la combinaison d’un style de combat fraîchement ragaillardi à chaque épisode et son histoire inédite propre à tous les volets de la saga. Ce serait oublier que Square a malheureusement toujours respecté le cahier des charges de Dragon Quest, à savoir les longues traversées de forêts et donjons blindés de centaines de combats aléatoires, chacun conçu en labyrinthes aux énigmes absurdes, étalant la durée de vie en dizaines d’heures, les moments émouvants et le développement de la trame scénaristique tout juste impliqués dans une portion minime du temps de jeu. Malgré la standardisation progressive de la série depuis Final Fantasy 7, les titres successifs ne sauront jamais remettre en cause les fondations pourrissantes du jeu de rôle nippon de la fin des années 80, enfin balayées avec Final Fantasy 13 au détriment du récit, bercé de stéréotypes flagrants. 

 

Victime d’un gameplay poussiéreux, Final Fantasy 9 débarque également au temps où  la machine de guerre SquareSoft est déjà bien rôdée aux exigences du succès, prompt à réitérer les rouages mis en place depuis le 6éme opus : preux rebelles contre empire pourrissant, méchant dominé par un méchant plus puissant encore, amourettes du héros, conflits politiques surpassés par la confrontation de forces quasi-divines. Tout un héritage lourd à porter donc. 

 

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Cet ultime épisode de la Psone se présente comme un retour aux sources, orienté vers l’Heroic-Fantasy, en référence à ses aînés où les héros parcouraient le monde en robes de sorciers et armures médiévales. Le clin d’œil le plus évident à cette époque dorée est bien sûr le mage noir, incarné dans votre joyeuse troupe en tant que personnage de premier ordre. Square joue sans complexe la carte de la nostalgie à coups de fanfares chantonnant la cérémonie de Rufus, en mentionnant le nom de Garland, par la scène d’opéra. Jamais jusque là un FF n’avait autant regroupé un si grand nombre de clins d’œil plus ou moins grossiers, ce qui handicape encore un peu plus la personnalité de son univers. 

 

Je tiens à remettre FF 9 dans ce contexte pour vous prouver qu’un jeu assujetti aux réflexes commerciaux les plus élémentaires peut encore malgré tout nous embarquer dans des aventures frissonnantes, au sein de royaumes médiévaux mâtinés de steam-punk, peuplés de créatures anthropomorphes, sous la couverture de magies plutôt familières à notre affectif européen. 

 

Je vais résumer le synopsis en quelques lignes, juste pour vous mettre dans le bain : une troupe de théâtre joue sa prochaine prestation dans la capitale du royaume d’Alexandrie en vue de kidnapper la princesse, bien évidemment rien ne se déroulera comme prévu et une série d’incidents géopolitiques s’en suivra, jusqu’à la menace d’un pouvoir plus grand encore, discernable vers la moitié du jeu, omnipotent au bout des deux tiers, une routine déjà bien comprise à l’époque. Ce n’est donc pas pour son scénario que nous porterons ce volet aux nues, pas tout à fait. Devrais-je dire que ses protagonistes amènent un élan de subtilité bienvenue ? Là encore le gros budget se fait sentir, avec les clichés redondants du personnage féminin hyperactif, du guerrier ténébreux et du figurant à débloquer en option. 

 

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L’intérêt se porte sur les cinq premiers personnages du jeu, à savoir Djidane, Steiner, Bibi, Freyja et Dagga (la princesse Grenat). Ce sont là les seuls à porter une histoire personnelle aux rebondissements notables, à l’évolution marquée, voire en contradiction avec leurs caractères initiaux. Nous touchons ici au point pas très évident à discerner mais indiquant sans défaut une réelle volonté d’imprégner le titre d’une émotion caractéristique. A mon goût les personnages de Djidane et de Dagga se tiennent dans les limites de leurs références en tant qu’héros solitaire et jeune fille fragile aux envies d’aventure, mais Steiner et Bibi portent à eux seuls une mise en avant originale de leurs personnages. Ce n’est pas tant les événements ou les prises de conscience soudaine qui accentuent l’attachement envers ces deux-là, et encore Bibi possède un background tellement bétonné qu’il suffit à lui insuffler un charisme couillu, ce sont surtout les échanges banals et quotidiens qui portent la signification de psychologies évolutives, les sentiments remuées en finesse par le déroulement de la narration. J’en veux pour exemple le respect de Steiner envers Bibi, hors de tous les standards connus, simplement touchant de spontanéité. 

 

Hélas, comme dans tout FF qui se respecte, la montée progressive vers le climax stagne sans prévenir sitôt la deuxième île rejointe. On rencontre des nouveaux personnages moins travaillés, les quêtes s’enchainent et la progression de la trame générale traîne la patte, puis tout s’accélère dans le dernier quart de l’histoire, nous assène de révélations inattendues et d’instants épiques, jusqu’au point culminant de la scène finale. Et malgré ces écueils le jeu révèle une aura tout à fait peu commune, que nous allons une nouvelle fois déceler à travers le talent des développeurs, cette fois-ci par l’analyse du monde merveilleux proposé comme toile de fond.

 

C’est sur ce point que la patte japonaise se fait bien sentir, mêlant l’inspiration médiévale aux amours de Square pour les vaisseaux volants gigantesques et les grandes mécaniques aux rouages fumants. Le level design malaxe ainsi les armoiries occidentales aux lignes exubérantes des vaisseaux, garnis de nuances exotiques et d’hélices vérolant chaque protubérance. 

 

La variété des décors est aussi à souligner, Alexandrie fait figure de grande cité typique de l’Heroic-fantaisy, Lindblum se présente comme la ville industrielle, véritable ruche d’activités où grappillent des petites maisons enserrées et potelées aux couleurs extravagantes, Square arborant un style victorien idéalisé. Bloumécia est sans nul doute la cité procurant les plus fortes impressions avec ses ruines nimbées d’un turquoise maléfique, ses toits élancés où le lierre s’étend comme un soupir menaçant, son palais prétentieux aux statues solennelles, le tout inspirant une véritable sensation d’attirance et de dégoût, la composition très organique des lieux mêlée aux fluorescences ténébreuses sous la pluie battante crée un véritable climat d’anxiété. Je pourrais poursuivre l’énumération, et insister une nouvelle fois sur la désillusion dés la sortie du premier continent, il y a encore le village de Dali, Daguéréo, l’arbre Ifa, Tréno dont la rude majesté à l’occidentale convient parfaitement à l’esprit de l’aventure.  

 

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Le scénario est plutôt simple, calibré selon les normes de la firme depuis FF 6, osant malgré tout un renversement complet de l’humeur générale par une pirouette scénaristique dont l’inattendu rappellera sans doute FF 4. C’est encore une fois le développement des protagonistes et la personnalité des environnements qui sauront porter l’histoire, le tout défaille quelquefois, et en même temps, mais notre persistance est alors récompensée. 

 

Les musiques sont un autre point essentiel dans ce genre de titre, une mauvaise composition peut gâcher l’ensemble et tuer l’atmosphère en un rien de temps, j’en veux pour preuve les partitions hallucinantes de Final Fantasy XIII-2. Je ne m’avancerais pas en déclarant l’ost de FF9 comme la meilleure de la série, certains s’en courrouceraient, et à raison, c’est par son lien presque charnel avec la situation ou le lieu présent que la musique sait titiller notre esprit sensible. Prenons celle du village des mages noirs ou le thème de Dali, d’autres sont évidemment anecdotiques et oubliables, et lors d’une scène des plus emblématique le synthé tout pourri aux accords de guitare cheap sait nous faire vibrer sans recourir aux orchestres symphoniques. 

 

C’est là le cœur d’une ambiance réussie, une juxtaposition équilibrée d’éléments formels relevant la saveur du sentiment véhiculé par l’auteur, et alors tout une série de détails ingénieux nous imprègne de cette émotion qui ne saurait revêtir autant de force par des arguments plus visibles et racoleurs. Sans oblitérer bien entendu l’attitude tout à fait opportuniste de Square avec son univers pré-bricolé et ses références entendues aux grands frères de la série, vernis à la fois grotesque mais aussi révélateur d’une chose : nul besoin d’une entreprise entièrement indépendante, libre de toute pression financière, pour présenter en finesse de véritables élans de tendresse artistiques, pointant au sein d’un produit calibré comme des lueurs fantômes et passagères, profitant même des grosses ficelles maladroites, il se profile alors au sein des bourgades d’un Moyen Âge fantasmé le ressenti étrange à la douceur palpitante d’une situation banale rendue enchanteresse par la force émotionnelle des personnages. 

 

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Par son côté naïf, chaleureux, coloré, Final Fantasy 9 se rapproche beaucoup de Crystal Chronicles, alliant la simplicité à une redoutable force émotionnelle. Eludant la complexité technique, l’atmosphère oppressante et les expériences obscènes propres aux créations nippones en science-fiction, le studio assume cette approche candide dont le souffle léger laisse sur son sillage une véritable empreinte de féérie.  

 

Et le gameplay ? Il est classique, pêchu, avec une transe qui fait mal aux yeux et des invocations toujours superbes à regarder, même aujourd’hui. Le plaisir de défourailler du streums par le biais d’options alléchantes et sophistiquées se trouve être fatalement la raison première du loisir vidéo-ludique, c’est là la véritable limite d’une œuvre grand public, elle ne peut raisonnablement se limiter à la contemplation, à la jouabilité passive. La violence omniprésente est réputée indispensable dans une certaine idée du jeu vidéo, cela coûtera toujours à l’industrie, reléguée aux humeurs enfantines.

 

 

 


Final Fantasy 9 a toujours eu la réputation du vilain petit canard parmi ses confrères, critiqué pour son manque d’inspiration et ses emprunts facile à ses aînés, à cela nous rajouterons toutes les faiblesses innées au j-rpg classique et un manque d’audace de la part de SquareSoft pour renouveler sa licence. Mais derrière tout ce voile nous discernons un léger élan de sincérité, une poésie farouche se distillant sans un bruit et créant la surprise d’un univers enchanteur. Il suffit d’un rien, presque invisible, pour se laisser embarquer sans pudeur à travers la brume mortelle. 

 

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Publié dans Tests

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Commenter cet article
M
Merci du compliment ! Le but de cet article est de plonger le lecteur dans l'émotion du jeu, je suis content que cela fonctionne.<br /> <br /> J'ai écris ce test il y a un certain temps déjà, en m'y replongeant aujourd'hui je vois tant de petits passages qui manquent de fluidité ; je suis sûr que je peux encore mieux faire.
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L
L'un de tes test les mieux écrits, en le lisant j'ai retrouvé pas mal de la saveur du titre, que j'ai malheureusement un peu oublié vu que je l'avais fait à sa sortie.<br /> <br /> En tout cas c'était fort agréable de lire ce texte.
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M
Pareil pour moi S2ada, c'est le FF que j'ai terminé le plus souvent, et le seul que j'eus vraiment achevé à 100% !<br /> <br /> Sinon Xced-R il est vrai que Steiner perd en importance sitôt le premier continent traversé, mais je trouve que sa relation avec Beate, Bibi et même Djidane lui procure une aura singulière<br /> diablement touchante. Après je reconnais que sur ce genre de sujet il y a toujours un peu de subjectivité.<br /> <br /> Rien que d'en parler j'ai envie de me le refaire encore une fois !
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S
Bon test.<br /> <br /> FF9 est pour moi un des meilleurs jeux qu'il m'ait été donné de jouer, tout simplement. Je l'ai recommencé je ne sais combien de fois.<br /> <br /> Il ne faut surtout pas le comparer avec ff13 ou ff13-2 en fait, surtout pas.
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X
Rien de bien méchant, mais c'est par rapport à Steiner, où tu annonces:"Ce sont là les seuls à porter une histoire personnelle aux rebondissements notables"<br /> Pour ce perso je n'en suis pas sûr qu'il y est un véritable rebondissement dans son histoire, par contre l'histoire d'Eiko, même si pas aussi mis en avant, me semble plus à même de créer une<br /> surprise.<br /> M'enfin c'est un souvenir d'il y a prés de 12 ans, alors je peux me tromper.
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