Le jeu vidéo en quête du Saint Graal

Publié le par Game-Odyssey

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Dans l’industrie des jeux vidéos, les français sont des intellectuels prétentieux, en témoigne les petits accès de mégalomnaie de David Cage ou des titres bien barrés telle l'expérience 112. Jade Raymond, la productrice potiche d’Assassin’s Creed, nous confirme une fois de plus cette tendance à travers une interview. Ainsi, le sempiternel débat sur le statut du jeu vidéo est relancé, avec sa dose d'enfonçage de portes ouvertes et d'idées novatrices douteuses. 


C’est un discours radoté depuis longtemps, mais qui demeure toujours d’actualité. En effet, le loisir vidéo-ludique est conçu depuis toujours comme un divertissement, généralement grossier, reprenant les ficelles du cinéma d’action et des background pré-mâchés à l’image du Space Opera (Mass Effect) ou du Polar (Max Payne). Il y a deux blocages confinant le jeu vidéo dans son espace clos et spécifique : le peu d’imagination des joueurs et une conception réductrice du média. Devant votre bouquin ou au cinéma, vous êtes le spectateur passif d’une œuvre donnée. Si l’amusement et la distraction sont également de mise pour certains produits, la richesse créative est rendue possible par l’envie de convier une personne au cœur d’une narration dont il pourra admirer la richesse et la profondeur. 


Selon la plupart des études sur la maturité du jeu vidéo, ce dernier saborde cette initiative par son essence même, la participation du spectateur implique un plaisir de jouer, une fluidité et un renouvellement du gameplay tout au long de l’aventure. Mais finalement, n’en est-il pas de même pour n’importe quel autre média ? Les plus grands auteurs ne sont-ils pas ceux que nous dévorons en quelques jours, les centaines de pages filant d’elles-mêmes malgré le contenu parfois gargantuesque ? Donc cette notion de plaisir et de feeling est valable pour n’importe quel support, un ouvrage peut présenter les meilleures idées du monde, mais sans un talent technique propre au domaine concerné le résultat sera jugé médiocre. D’un point de vue pratique donc, le microcosme vidéo-ludique ne fait pas bande à part, c’est dans le fond qu’il se différencie. En premier lieu, le terme de « jeu » est péjoratif, car il accentue le côté puéril et immature du support, mais il détermine parfaitement la direction suivie par la majorité des développeurs. 


Vous me parlerez des studios indépendants. Le gros souci, c’est qu’il s’agit le plus souvent de matheux, tel Jonathan Blow (braid), d’ailleurs vous remarquerez la suprématie des jeux de réflexions tortueux semblables à Fez, Limbo, Stacking ou les mésaventures de P.B. Winterbottom dans le milieu du dématérialisé. Et le problème des têtes scientifiques, c’est qu’elles vont privilégier une approche originale et tordue du gameplay au détriment d’une réelle implication émotionnelle. Encore et toujours, on considère uniquement le plaisir de jeu, qui est bien entendu nécessaire pour rendre intéressant votre voyage dans les sphères numériques, mais qui demeure seul maître en définitive. Prenez n’importe quel titre défendu pour ses qualités d’ambiance, de narration, de trouvailles scénaristiques ou pour sa bande son et vous comprendrez. 


Prenez Bioshock, car il représente parfaitement ce complexe dont le jeu vidéo n’arrive pas à s’extirper. Lorsque vous parcourez le jeu durant les premières minutes, vous allez prendre le temps d’admirer la richesse de l’architecture, la beauté des jeux de lumières, la superbe animation de l’eau, les petits bruitages inquiétants, le cachet des lieux visités, les idées avancées par le concepteur de Rapture. Mais passé quelques heures, lorsque vous serez bien accommodé au système de jeu, tout cela se trouvera grandement édulcoré par le plaisir sadique de combiner plasmides et armes à feu dans l’optique de désosser vos adversaires. Alors, le jouissif développement de votre skill va prédominer, et finalement vous ne prendrez plus le temps comme avant de vous poser, de patienter, d’admirer. Car au final, le jeu est en premier lieu codé pour vous faire triquer à l’idée de répandre l’hémoglobine.


Ainsi, les faits sont là : le jeu vidéo à réellement la capacité de proposer des idées imaginatives et enchanteresses combinées à un gameplay aux petits oignons. Le souci provient du déséquilibre abyssal entre ces deux notions, la balance penchera toujours du côté du plaisir de jeu en totale défaveur envers le développement d’idées créatrices, engagées, voire spirituelles. Il ne faut donc pas prendre le problème à l’envers, saborder la fluidité du système de jeu pour favoriser l’immersion dans un univers riche et développé, car l’un ne va pas sans l’autre. Souvenez-vous par exemple de The Nomad Soul : sa toile de fond nous faisait rêver, le monde créé n’était pas cloné pour une fois sur les standards de genres calibrés. Malheureusement, il souffrait de phases de jeu maladroites, comme la partie FPS, les combats à mains nues, et la caméra en général.  


Nous ne parviendrons jamais à savourer une mélodie si le pianiste n’a pas le doigté pour enchaîner les notes sans briser leur harmonie. Ainsi, un jeu réussi débute par un gameplay abouti, la question est donc de ne plus lui donner le monopole et d’en faire l’unique argument de vente. Seule la combinaison talentueuse, équilibrée, avec une sensibilité développée et surtout intime d’un studio, non pompée dans les raccourcis faciles de codes génériques, pourra sortir le jeu vidéo de son statut de divertissement infantile et réaliser son incursion auprès des médias traditionnels. 

 

Publié dans News

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H
Un article de bonne qualité qui résume bien la situation actuelle dans laquelle se trouve l'industrie du jeux vidéo.
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D
Tout est dit...<br /> pourquoi la plupart des joueurs Next-gen achète un jeu et le revende au bout d'une semaine sans l'avoir fini...<br /> Saloperie de multi...
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