Test - Max Payne 3
Suite aux retours de mon premier article sur Max Payne 3, mon professionnalisme m’obligea à me faire violence et j’ai décidé de terminer le jeu pour vous lecteurs, histoire de satisfaire vos attentes. Mais juste une fois hein, faut pas déconner.
Vous y tenez vraiment hein, vous voulez connaître mon sentiment sur ce titre ? Car il y a un petit quelque chose au fond de vous, une pensée obsessionnelle, une appréhension étrange à propos du jeu, à l’image de la petite douleur qui vous tiraille dans le bas du dos, elle vous rappelle son existence quotidiennement, vous ne pouvez pas vous en débarrassez.
En fait c’est tout con, malgré les propos des testeurs qui se veulent rassurant quant au respect des valeurs de la série, Rockstar a opéré une généreuse transformation du background originel. Ce n’est pas à cause de Sao Paulo, ce n’est pas parce qu’on se gunfighte en plein soleil pour la première fois, c’est à cause de la Rockstar touch, une particularité imbibant chacune de ses productions. Vous voyez GTA ? Derrière les massacres de mémés au M16, il y a ce que nous allons appeler avec beaucoup d’humour une critique de la société. En effet, le studio s’attache à dénoncer l’hypocrisie de l’Amérique puritaine, les politiciens véreux, l’envers du capitalisme, la réalité des ghettos. Bref, une démarche qui nous procure la sensation de jouer à un jeu réaliste, un jeu pour les grands, à la moralité louche donc existante.
Mine de rien, Rockstar fut bien en avance sur son temps, car ce concept est la mode des films et des jeux d’action depuis six-sept ans. En effet, qui n’a pas perçu le bouleversement de la série James Bond notamment, nous sommes passé d’un "meurt un autre jour" à l’idéologie naïve, avec une technologie invraisemblable et des situations rocambolesques vers un "Casino Royale" plus sobre, plus trash, avec un Bond vulnérable et un retrait conséquent des aventures exotiques. Aujourd’hui, l’humeur bon enfant à laissé place à un réalisme dépressif, les héros sûr d’eux et impertinents furent congédiés au profit de personnages plus torturés, soi disant plus humains par leur immoralité et leur égoïsme inhérents à la cruauté du monde. Rockstar avait donc marqué un grand coup avec une large coudée d’avance, car ses GTA suivent exactement cette ligne directrice.
Eva Green remporte haut la main le prix de la moue torturée
C’est pourquoi nous devons déceler une modification majeure de l’ambiance du jeu avec ce nouveau studio aux commandes. Les deux premiers Max Payne reprenaient à la lettre les codes du polar : héros solitaire, amours impossibles, univers lugubre et urbain, histoires de gangs, de trafic et de vengeance. C’était la toile de fond choisie par Remedy, efficacement interprétée à leur sauce. Max Payne 3 n’a simplement plus rien à voir avec cela. Rockstar nous refait son numéro habituel, ainsi Sao Paulo est une cité de bidonvilles, de politiques corrompues, où les riches prennent de la coke et cherchent des bonnasses à fourrer dans les boîtes de nuit branchées. Même le bon vieux Max nous sort sa revendication socialo-dépressive du système, avec ces dialogues bien trashs et bien amenés à la façon GTA. La cinématique d’introduction pouvait encore faire illusion de avec un Max comme de coutume apitoyé sur son sort dans un appart crasseux. Et hop, tout à coup on passe chez Rockstar, des salopes qui sucent pour le pognon, des petits cons avides de culs bombés, sous le soleil et le luxe tapageur de la haute société.
Je ne sais pas pour vous, mais cette tendance actuelle à tout démystifier concernant la morale et les valeurs humaines me débecte grandement. Pour commencer, je la trouve sincèrement mal placé dans un produit calibré pour l’action, si vous voulez refaire le monde messieurs de chez Rockstar, ayez l’honnêteté de ne pas mélanger philosophie et jouissances primaires. C’est bien beau de nous moquer de la jet set aux occupations triviales, mais si c’est pour prendre un plaisir coupable en tirant au ralenti sur des mecs encagoulés, c’est quand franchement l’hôpital qui se fout de la charité. Donc hein, quand on est hypocrite messieurs on se garde de dénoncer l’hypocrisie, proposez nous de l’action bien jouissive et gardez vos pseudo-revendications.
Car oui, deuxièmement, cet engagement n’est qu’une manière d’attirer le chaland, parce que les weshs et les prolos vont trouver ça trop cool et trop couillu. Genre t’as vu ça mec, ils se foutent de ces pétasses en mini-jupe et des vieux riches moches, là on est dans le vrai monde, c’est pour les vrais hommes, c’est pas pokémon ou Mario Bros. Si cette approche dans le fond commerciale demeurait acceptable dans Gran Theft Auto, elle trahi purement et simplement l’esprit Max Payne. Résultat, on a un titre qui se prend beaucoup trop au sérieux comme c’est la mode de nos jours, et qui au final nous propose un background générique. Max sauve un peu les meubles, car il faut bien reconnaitre qu’ils n’ont pas raté la gueule déconfite de notre flic abattu par le poids des années, mais nous sommes bien loin de l’immersion caractéristique des précédents opus.
La tombe discrète de la famille Payne
D’autres détails gênent une ambiance déjà bien amputée de sa constance originelle, les cinématiques pour commencer. Il y a trop de cut-scenes durant les phases de jeu, au début ça rend l’action fluide, mais au bout d’un moment on comprend vite que leur insertion fonctionne toujours de la même manière. A chaque fois que vous ouvrez une porte pour pénétrer dans l’arène suivante, vous avez une chance sur deux d’en voir une. La prévisibilité ruine quelque peu la tentative d’imprégner le joueur quant aux événements présents, mais c’est surtout leur nombre qui agace, car finalement elles en viennent à couper l’action.
Il y a enfin un choix artistique désastreux, une sorte de filtre alcoolique lumineux présent dans chaque cinématique. Il peut survenir à tout moment, accompagné quelquefois de messages subliminaux liés à la conversation, sans doute un moyen de nous immerger dans l’esprit nerveux et perturbé de Max. Malheureusement, ce genre d’effet gâche le peu de sobriété crasseuse propre au polar, survivante à la griffe Rockstar, ruinant définitivement l’héritage de ses aînés avec des clignotements de l’image dignes des montages épileptiques cache-misère d’un Call of Duty ou d’un Prototype.
Dans un instant votre écran va être saturé de couleurs vomitives
et de dédoublements d'image
Passons au gameplay à présent. Parmi les nouveautés, il y a un système de couverture et certainement l’une des initiatives les plus merdiques des Third Person Shooter et des FPS : la limite d’armes. En effet, vous ne pouvez plus porter toutes les armes récoltées dans le niveau, vous avez droit à deux armes de poing et un fusil d’assaut ou un fusil à pompe, donc trois armes. Vous avez la possibilité de combiner les armes à une main, l’une des marques fabriques les plus bandantes de Max Payne couplée aux sauts en Bullet Time. Pour une fois, petite avancée utile, vous pouvez associer un uzi avec un Beretta, un Smith avec un Desert eagle, alors qu’autrefois les combinaisons concernaient uniquement un même modèle d’arme. C’était tout con d’y penser et mine de rien ça fout un petit coup de fraîcheur aux gunfights.
L’argument qui a fait triquer tout le monde, c’est l’absence plutôt osée d’autoregen. Certes, Rockstar ne pouvait réaliser une trop grande entorse aux mœurs actuelles puisque les antalgiques s’avèrent plus efficaces qu’autrefois, mais tout de même le challenge de ce Max Payne 3 s’en trouve sensiblement relevé. Il faut reconnaitre que le système de jeu fait bien honneur à ses prédécesseurs, quelques balles vous achèvent promptement, le bullet time s’épuise vite et il vous faudra aligner des headshots pour remonter la jauge. Donc, comme il y a dix ans, la méthode bourrin est à proscrire, du moins tant que vous n’avez pas mémorisé par cœur les apparitions de chaque ennemi.
Le système de couverture nous encourage à réduire notre utilisation du ralenti, il nous offre une approche plutôt banale du TPS pour un Max Payne. En effet, si les développeurs ont choisi de saturer rapidement votre Bullet Time, c’est pour vous pousser à rester planqué et ainsi shooter les bonhommes en mode classique. Mine de rien, cela modifie grandement la nervosité originale du gameplay et c’est vraiment dommage. J’ai grandement eu l’impression de jouer à Kane & Lynch 2 parfois, car les décors sont du même genre, mais bon les ennemis sont beaucoup moins bêtes. Certes scriptés, ils visent très bien et ne courent pas au suicide, il vous faudra faire preuve de précaution même durant les premiers stages.
Les indispensables séances de Rail Shooting pour gogols manchots
Il y a toujours les petits ralentis qui font bien lorsque vous achevez le dernier membre d’un groupe, et une sorte de tir de la dernière chance quand vous êtes prêt à crever, la caméra suit alors la trajectoire de votre balle. Ces effets sont réussis, tout comme les gerbes de sang, ceci dit la plupart des cadavres disparaissent, un point simplement inadmissible. Dans Max Payne 2, dix années en arrière, ce problème n’était pas présent. Si la lourdeur des cut-scenes ne venait perturber l’ensemble, la fluidité des niveaux serait nickel. Enfin non, pas toujours, car il y a un gros souci d’identité dans la plupart des environnements. De retour en bonne vieille terre New-Yorkaise, ce souci s’élude toutefois.
Le scénario est juste sympathique, certes en y repensant l’histoire des précédents Max Payne n’avait rien de géniale en soi. Ce sont les bandes-dessinées, les monologues du héros et l’ambiance générale qui soutenait l’intrigue pour la rendre accrocheuse. Ici donc, ça fonctionne moins.
Une image qui a de la gueule, une atmosphère familière,
un bel effort malgré tout
Les graphismes ne cassent pas des briques, et hormis la tronche franchement réussie de Max, les protagonistes ne sont pas tous aussi finement modélisés. Les effets nauséeux précités n’aident pas non plus à relever l’ensemble, on appréciera cependant le souci du détail apporté aux ennemis. Si les skins tournent un peu comme à l’accoutumée, elles se recyclent bien. Le jeu sera sans doute plus abouti sur Pc, la vieillesse de nos machines se fait sentir, mais ce n’est pas la seule raison qui fera certainement de la mouture Pc la Superior version.
Car il y a un petit détail qui a échappé à tout le monde, ou qui fut simplement survolé, surtout depuis la banalisation des jeux de shoots à la troisième personne sur consoles : la rigidité du gameplay au pad est flagrante. Peut-être est-ce pour cette raison qu’un système de couverture fut inclus, pour réduire la nervosité de l’action et vous laissez ainsi le temps de viser correctement. D’ailleurs, on vous propose deux niveaux de visée assistée, et même avec sa version allégée la galère se fait sentir. N’essayez même pas en mode libre, a moins que vous ne souhaitiez vous torturer des dizaines d’heures pour vous accoutumer aux commandes, à l’image des fous furieux glanant le haut du tableau dans les classements en ligne des FPS. Outre l’infériorité des graphismes, l’adaptation des deux premiers opus sur consoles frisait le cataclysme, le jeu n’avait simplement plus aucun intérêt avec un flingue qui pointait tout seul sur les adversaires. Certes, avec la venue des visées FPS dans les TPS, du système de couverture et d’un assistanat moins poussée, Max Payne 3 sur bobox et ps3 s’en sort beaucoup mieux. Mais si le gameplay avait été avant tout pensé sur Pc comme avant, exit le besoin de se cacher derrière les murs, la nécessité d’approfondir la visée. Doté d’une bonne physique et d’un Bullet Time convaincant Max Payne 3 avait le moyen d’égaler ses grands frères sur ce point.
New York, la ville où le soleil ne se lève jamais
Seulement voilà, évidemment Rockstar va se faire le max de blé sur consoles et cette idée s’avère donc proprement impensable. Reste donc à voir cette version Pc. Putain mais merde tout de même, si Max Payne a tout déchiré à sa sortie, c’est pour son univers fignolé et pour ses maniements au combo clavier/souris dont la précision diabolique nous procurait de nouvelles et intenses sensations de puissance. Max Payne sur ps2 et xbox, c’était à chier, là on sauve les meubles mais au final le titre se différencie maladroitement d’un vulgaire Gears of War.
En conclusion, ce Max Payne 3 est bien le produit bâtard craint par les puristes. Son background mutilé, sa maniabilité trop molle pour le rendre jouable au pad jouent en sa défaveur. Il y a quelques bonne intentions, des petites nouveautés agréables, un héros convaincant et une toile de fond qui se démarque des jeux guerriers saturant cette génération. Malheureusement, Max Payne 3 est ce qu’il devait être en considérant les circonstances actuelles du jv : un TPS qui se prend trop au sérieux dans son univers standardisé aux normes actuelles, adapté aux conditions de jeu des consoles de salon.